La santé dans toutes les politiques – Trousse d’outils

La santé dans toutes les politiques – Trousse d’outils

Trousse d’outils

La santé dans toutes les politiques

La santé dans toutes les politiques est une approche des politiques publiques qui encourage les gouvernements à tenir compte systématiquement de l’effet des décisions stratégiques sur la santé d’une population. Tout en mettant l’accent sur l’effet que les politiques ont sur nos systèmes de santé et sur les déterminants de la santé, l’approche axée sur la santé dans toutes les politiques reconnaît comment divers secteurs gouvernementaux se rencontrent. Cette reconnaissance est importante si l’on veut aider à réduire au minimum les incidences négatives potentielles que des décisions stratégiques ont sur la santé d’une population. Il importe aussi toutefois de réduire au minimum les effets que ces décisions peuvent avoir sur d’autres secteurs et ordres de gouvernement. 

Or, de façon plus générale, l’approche axée sur la santé dans toutes les politiques s’inscrit dans le sillage d’idées formulées avant 2006 selon lesquelles l’intervention intersectorielle et des politiques publiques saines sont essentielles à la santé de la population, à l’équité en santé et à l’établissement de la santé comme droit de la personne (OMS, 2013).

Par exemple, l’approche inclut des idées tirées de la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé (1986) de l’OMS, qui nous a aidés à comprendre que les politiques publiques saines sont des moyens d’interventions pour aborder les déterminants sociaux de la santé et aident à éviter des maladies qu’il est possible de prévenir. L’OMS (1986) a aussi reconnu plus tôt que l’état de santé d’une population dépend non seulement des soins de santé et des habitudes de vie, mais aussi des conditions dans lesquelles les gens vivent et travaillent.

Conformément à ces réflexions, la santé dans toutes les politiques est une stratégie proposée à tous les ordres de gouvernement afin de découvrir les effets que les décisions de tous les secteurs peuvent avoir sur la santé. C’est pourquoi il s’agit d’une stratégie cruciale dans l’établissement de politiques publiques saines que l’OMS (1988) considère comme politique en dehors du domaine de la santé publique qui tient clairement compte de la santé d’une population. L’approche axée sur la santé dans toutes les politiques permet aux gouvernements de mieux comprendre les incidences sur la santé et les inégalités en santé tandis que le secteur de la santé publique peut être davantage à l’écoute des objectifs d’autres secteurs et davantage capable de repérer les possibilités d’appliquer des pratiques concertées (Kickbusch et Gleicher, 2012).

Lorsqu’il est question de politiques publiques saines, il faut considérer le mot « politique » dans son sens général, étant donné qu’il s’entend des lois, des règlements, des programmes, des stratégies et des projets à tous les paliers des décisions gouvernementales. Si nous comprenons ainsi cette expression, nous pouvons voir comment des secteurs gouvernementaux comme l’éducation, les transports, l’aménagement urbain et le revenu peuvent avoir une incidence sur la santé – à la fois directe (à cause de l’exposition à des risques physiques ou psychologiques) et indirecte (en encourageant l’adoption d’habitudes de vie saines ou en ne les encourageant pas).

Parmi les nombreux types qui existent, les politiques publiques saines peuvent être sectorielles et dictées par un objectif axé avant tout sur la santé. Les lois anti-tabac en sont un bon exemple. D’autres politiques cherchent à améliorer et à protéger la santé, mais comme effet secondaire. Un programme d’amélioration des transports en commun, par exemple, réduit l’engorgement de la circulation et, par conséquent, la pollution atmosphérique et améliore la santé. D’autres encore, appelées politiques intersectorielles, réunissent le secteur de la santé et d’autres encore tout en faisant de la santé un objectif primaire ou secondaire. Les écoles saines et l’aménagement urbain sain sont des exemples de ce type de politiques.

Les infirmières et infirmiers peuvent jouer un rôle important dans une politique publique saine. Par exemple, en effectuant des recherches ou en partageant des connaissances qui aident à mieux comprendre les besoins et les solutions, elles peuvent éclairer la conception de meilleures politiques. Elles peuvent aussi aider lorsqu’on présente un programme ou un projet en s’assurant qu’il répond aux besoins de la population visée. Il existe de nombreuses possibilités d’utiliser un « prisme de la santé » au cours de l’élaboration de politiques. Qu’une politique soit sur le point d’être inscrite au programme politique ou qu’elle en soit au stade de l’élaboration ou de la mise en œuvre, les infirmières et infirmiers ont une voix crédible et importante.

Évaluation des incidences sur la santé

L’évaluation des incidences sur la santé (EIS) est une façon d’estimer les effets qu’une politique, un plan, un programme ou un projet peut avoir sur la santé d’une population. Cet outil d’évaluation aide les décideurs à faire un choix entre plusieurs solutions à un problème donné en combinant des interventions qui évaluent systématiquement les incidences sur la santé. En outre, une EIS peut montrer la répartition de ces effets dans une population donnée et dégager des interventions appropriées pour aider à les gérer (Quigley et al., 2006).

Tout comme les évaluations des incidences environnementales, les EIS sont les plus utiles lorsqu’elles servent avant la prise de décision.

Les évaluations des incidences sur la santé contribuent à l’établissement de politiques publiques saines (Kemm, 2001) et constituent un outil privilégié de l’approche axée sur la santé dans toutes les politiques (Ståhl et al., 2006). Le processus d’EIS attire l’attention sur des conséquences pour la santé dont les décideurs de secteurs comme le transport, les finances et l’aménagement urbain ne tiennent habituellement pas compte. Les EIS présentent aussi des recommandations qui aident ces décideurs à éviter les effets négatifs et à maximiser les positifs.

Questions auxquelles une EIS vise à répondre :

  • Quels objectifs visent les décideurs?
  • Sur quels déterminants de la santé la politique ou le projet risquent-ils d’avoir un effet (positif ou négatif)?
  • Qui sera le plus touché? Quels groupes de la population?
  • Quels éléments de preuve appuient les effets du projet sur les déterminants sociaux? Quels éléments de preuve appuient les effets des déterminants sociaux sur la santé?
  • Quelles recommandations permettraient aux décideurs d’atteindre leurs buts tout en tenant compte de la santé de la population?

Le processus d’EIS est caractérisé par ses étapes successives normalisées, ses valeurs et ses principes directeurs. Ces valeurs comprennent la démocratie (participation des citoyens), l’usage du savoir respectueux de l’éthique (transparence), l’équité et le développement durable (OMS, 1999). Une EIS a l’effet le plus efficace sur les décisions stratégiques qui favorisent la santé qui sont appliquées de façon holistique (c. à d. lorsqu’il est tenu compte de tous les déterminants sociaux de la santé) et sont inclusives (lorsqu’il y a collaboration entre tout un éventail de partenaires, y compris les citoyens, les décideurs et les parties intéressées) (Harris-Roxas, Simpson et Harris, 2004).

Évaluation des incidences sur la santé axée sur l’équité

Une évaluation des incidences sur la santé axée sur l’équité (EISAE) est une approche qui s’inspire de l’EIS et met l’accent sur les répercussions des décisions stratégiques sur les inégalités en santé. Une EISAE aide à déterminer les incidences inégales sur la santé de différents groupes démographiques, ainsi que leurs effets.

L’importance plus grande que l’évaluation des incidences sur la santé axée sur l’équité (EISAE) attache aux inégalités en santé émane des lacunes aux niveaux de la fréquence et de la qualité avec lesquelles l’EIS en tient compte (Harris-Roxas, Simpson et Harris, 2004). Même si l’équité constitue une valeur fondamentale de l’approche EIS, ces lacunes sont la raison pour laquelle on juge nécessaire l’évaluation des incidences sur la santé axée sur l’équité.

Tout comme une EIS, l’approche axée sur l’équité est appliquée aux projets et aux politiques publiques, généralement ailleurs que dans le secteur de la santé, avant la mise en œuvre. Comme dans le cas d’une EIS, une EISAE s’intéresse à la répartition des incidences sur la santé entre différents groupes démographiques et aux différences que ces incidences ont sur chacun de ces groupes. L’EISAE va toutefois plus loin dans la lutte contre les inégalités en évaluant la nature injuste et évitable de ces différences (ce qu’une EIS ne fait pas nécessairement) (Mahoney, Simpson, Harris, Aldrich et Stewart Williams, 2004).

Évaluation des incidences sur l’équité en matière de santé

Une évaluation de l’incidence sur l’équité en matière de santé (EIES) évalue les incidences d’un programme ou d’une politique sur des groupes vulnérables tout d’abord pour déterminer l’inégalité de l’accès aux services de santé, aux programmes de santé publique et à la qualité des soins. L’attention porte avant tout sur l’équité en matière de santé liée à un projet, un programme ou une politique.

Dans évaluations des incidences sur l’équité en matière de santé (EIES) l’attention porte sur l’équité en matière de santé (c. à d. vise à assurer que tous les membres d’un groupe bénéficient d’un accès égal aux services de santé, aux programmes de santé publique et à la qualité des soins) plutôt qu’aux autres déterminants de la santé liés à un projet, un programme ou une politique (Harris-Roxas, Harris, Harris et Kemp, 2010). Une autre caractéristique qui distingue l’EIES, c’est qu’elle peut servir à la fois avant et après la mise en œuvre d’un programme.

L’utilisation systématique de tous ces outils d’évaluation dans les politiques, les programmes et les projets peut garantir que la prise de décision dans tous les secteurs tient compte des inégalités en santé. Il s’ensuit que nous pouvons refermer les écarts au niveau de la santé ou, tout au moins, aider à éviter que les écarts entre les deux groupes se creusent davantage.